Le Bout du Monde

S'il y avait eu quelqu'un,
posté, au bout du monde,
depuis qu'il est monde,
à surveiller l'horizon et les mouvements des hommes,
tout seul, là,
comme un espèce de gardien de phare,
il n'aurait, sans doute, pas arrêté, pendant des millénaires,
de trimballer ses balises d'un endroit à un autre,
selon les observations et les explorations,
de plus en plus loin,
au fur et à mesure que ses habitants donnaient
à leur planète sa forme définitive.

Et où serait-il, aujourd'hui,
que le monde est vraiment rond,
et qu'il n'est plus au centre,
et que l'univers n'a plus de bout du tout ?
Plus nulle part ?

Le <<gardien du Bout du Monde>> est apparu pour la première fois en public
en octobre 1998, à l'occasion de la célébration des trente ans du CNES,
où il n'a livré que le début de son histoire.
Puis, il s'est, <<raconté complètement>> à plusieurs reprises à Toulouse
et dans des situations diverses:
à la Gare aux Artistes,
au planétarium de la Cité de l'espace (Toulouse),
au planétarium de la Cité des sciences et de l'industrie (Paris),
du bas au tout en haut du Pic du midi...

A ce que l'on croit savoir, son voyage n'est pas terminé...

Au commencement, le bonhomme est seul,
quelque part dans un vaste espace vide. Indéfinissable.
Assis, ou étendu sur des ballots, ou sur un hamac.
Au centre de cet espace, simplement, une <<servante>>
(cette veilleuse traditionnelle des théâtres:
une ampoule au bout d'un pied rudimentaire).
Elle est allumée. Il fait plutôt sombre.
Il y a peut-être des bagages (des caisses, une malle d'accessoires,
un sac avec des papiers?) non loin de lui.
Il sait que les spectateurs sont là, et bien sûr, il les prend pour témoins.
Mais il parle comme ça vient, autant pour lui que pour eux.

_ 'est au début que ça a été le plus facile.

Ça remonte à la nuit des temps.
Impossible de dire comment ça a commencé.
Un beau jour, j'y étais.
Au bout du monde.
Avec vaguement le sentiment d'un devoir:
veiller
à quelque chose
Gardien. Voilà.

Pas d'embauche...
Comme une naissance en fonction.
J'étais.
J'avais un rôle
et j'étais... là où le monde finissait.
Vous voyez?

Disons que ça a commencé avec l'histoire des hommes.
Parce que, pour qu'on ait besoin de marquer le bout du monde,
il fallait que ce monde soit habité
et que les habitants se posent la question du bout
et qu'ils aient envie d'y aller...

Puis tout a changé
très vite.
Non seulement parce qu'ils sont allés un peu partout
mais surtout parce qu'ils ont beaucoup appris.
Et ça n'a plus été pareil...
Ils ont inventé le discours.

Maintenant, ils savent parler de l'infini
(ou du moins ils le croient).
Et à partir de là, pour moi,
pour ma place, ça n'a plus été pareil.

Et puis ça n'a plus été du tout.

C'est au début, bien sûr, que ça été le plus facile.

Tenez: Jason...

[...]

Le bout du monde
est au théâtre,
sur un grand escalier,
avec derrière,
le vide
et devant,
un trou
noir.

spectacle écrit, mis en scène et interprété par Jean-Claude Bastos
avec la participation de
Jean-François Pujol
et Eve-Laure Verdier
ou Linda Vogel (en alternance)
et la collaboration de
Nathalie Guillot (pour les costumes)
Georges Malka (pour le son)
Serge Wolff (pour la scénographie et les lumières)
production Comp.Act sarl Jean-Claude Bastos

analyse audience